Depuis le dĂ©but de la crise sanitaire, des dizaines de jeunes pousses de la French Tech proposent gratuitement leurs services. Qu’elles soient dans la logistique, les solutions de tĂ©lĂ©travail, la distribution alimentaire, l’aide Ă  la recherche d’emploi, la tĂ©lĂ©mĂ©decine ou l’éducation Ă  distance, leur mobilisation est massive. En interne, c’est branle-bas de combat. TĂ©moignages.

“On se met en mode commando pour que lundi matin on puisse rendre notre plateforme 100% gratuite pour les nouveaux utilisateurs et qu’en interne, tout le monde ait basculĂ© en tĂ©lĂ©travail”. Quand le vendredi 6 mars au soir, Mathieu Beucher rĂ©unit ses collaborateurs au siĂšge de Klaxoon Ă  Rennes, il sait qu’il joue gros. “Nos dĂ©veloppeurs n’ont pas dormi du week end, on a envoyĂ© Ă  chacun de nos salariĂ©s un fauteuil ergonomique, un double Ă©cran et un casque et le lundi, Ă  peine la gratuitĂ© lancĂ©e, on avait 1.000 demandes de connexion et depuis on a installĂ© 10.000 Ă©quipes !”, raconte le fondateur de cette startup d’outils collaboratifs (rĂ©unions virtuelles, sondages internes, etc) qui compte 3.000 entreprises clientes, dont la totalitĂ© du Cac 40.

Comme Matthieu Beucher, des centaines d’entrepreneurs ont dĂ©cidĂ© de prendre leur part dans la gestion de la crise du Covid 19 en proposant gratuitement leurs services. “Au-delĂ  de cet Ă©lan de gĂ©nĂ©rositĂ©, notre Ă©cosystĂšme prouve qu’il regorge d’entreprises hyper innovantes dont les solutions n’ont rien Ă  envier Ă  celles de leurs concurrents amĂ©ricains”, se rĂ©jouit-on Ă  France Digitale qui regroupe plus de 1.500 entreprises du numĂ©rique. Bien sĂ»r, pour beaucoup, renoncer Ă  toute nouvelle rentrĂ©e de chiffre d’affaires pendant plusieurs semaines reprĂ©sente un sacrĂ© risque. Mais un vrai pari aussi: celui de convertir ces clients gratuits en payants une fois la crise passĂ©e. En attendant, ces pĂ©pites de la Tech n’ont jamais vĂ©cu un tel branle-bas de combat.

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Pour beaucoup, le dĂ©clic a Ă©tĂ© la premiĂšre dĂ©claration d’Emmanuel Macron, le jeudi 12 mars, prĂ©figurant un confinement gĂ©nĂ©ralisĂ©. “On voyait tous ceux qui allaient partir au front, soignants, magasiniers, policiers
, on se devait de les aider, raconte LĂ©opold Denis (27 ans), co fondateur de Moodwork, solution d’accompagnement psychologique au travail qui suit 90.000 salariĂ©s au quotidien. On a bossĂ© toute la nuit avec mon associĂ© Benjamin Brion et le vendredi matin, on a consultĂ© nos 25 salariĂ©s sur la mise en place d’une formule gratuite pour tout nouveau client. ApprouvĂ© Ă  l’unanimitĂ©!”. Chez Phenix, une appli qui permet aux commerçants de vendre leurs invendus pour Ă©viter le gaspillage alimentaire, le passage Ă  la gratuitĂ© a Ă©tĂ© approuvĂ© par les 170 employĂ©s via la messagerie Slack.

Christophe Corne, fondateur de Systancia. – SP.

Encore fallait-il ĂȘtre prĂȘt Ă  encaisser les milliers de demandes d’installation qui allaient dĂ©ferler. “On a mis les deux tiers de nos 100 collaborateurs sur le pont, sans qu’aucun ne compte plus heures”, raconte Christophe Corne (photo ci-dessus), fondateur de Systancia, un Ă©diteur de solutions de cybersĂ©curitĂ© basĂ© Ă  Mulhouse, “dans l’oeil du cyclone”. Les serveurs aussi ont dĂ» ĂȘtre dopĂ©s. “Mon CTO (chief technical officer) et associĂ© Damien Rottemberg a passĂ© tout le week end du 14-15 mars Ă  les reconfigurer pour 100.000 utilisateurs, relate Frank David Cohen (photo ci-dessous), fondateur de Klassroom, une application de communication entre parents et profs. Ca n’a pas suffi, le lundi matin, nos deux serveurs ont lĂąchĂ©. La vague Ă©tait trop forte”.

Frank-David Cohen et Damien Rottenberg, co-fondateurs de Klassroom. – SP.

La vague ? Une dĂ©ferlante plutĂŽt. “Alors qu’on enregistrait 10.000 nouveaux utilisateurs par mois avant la fermeture des Ă©coles, on a dĂ» en gĂ©rer 250.000 en une semaine, prĂ©cise Frank David Cohen. On a pris quinze autres serveurs chez notre hĂ©bergeur, ce qui a fait exploser nos coĂ»ts d’infrastructures de 2000 Ă  10 000 euros par mois”. MĂȘme dĂ©ferlante chez Systancia. “Dix jours aprĂšs l’annonce de la gratuitĂ© de notre solution de tĂ©lĂ©travail, on avait gĂ©rĂ© 400 nouvelles demandes, c’est ce qu’on fait normalement en un an!”, souligne Christophe Corne. Leur profil ? “De l’étude notariale Ă  la grosse PME, on n’a refusĂ© personne”.

Les outils de tĂ©lĂ©mĂ©decine, aussi, ont fait de nouveaux adeptes. “DĂ©but mars, on comptait 400 mĂ©decins clients, avec une croissance de 40 nouveaux par mois pour un abonnement mensuel de 45 euros, dĂ©taille Mathilde Le Rouzic, fondatrice de Hellocare. Le jour de notre passage au gratuit, trĂšs relayĂ© sur Twitter, on en a installĂ© plus de 100 et depuis, on est passĂ©s de 50 consultations Ă  2.000 par jour”. RĂ©sultat: les Ă©quipes d’Hellocare enchaĂźnent des journĂ©es 7 heures – 23 heures. MĂȘme succĂšs pour la solution de Moodwork. “En une semaine, on a intĂ©grĂ© 3 CHU et plus d’une vingtaine d’Ehpad, ce qui va permettre Ă  plus de 25.000 soignants de bĂ©nĂ©ficier d’un soutien psychologique”, se rĂ©jouit LĂ©opold Denis.

Les deux fondatrices de Cokpit, Laetitia de Roquemaurel et Camille Maillard. – SP.

Bien sĂ»r, pour ces startups, un tel Ă©lan de solidaritĂ© coĂ»te cher. “En une semaine, on a installĂ© gratuitement notre systĂšme de tĂ©lĂ©phonie via le cloud dans une centaines d’entreprises, explique Jonathan Anguelov, fondateur d’Aircall. Ce qui aurait dĂ» reprĂ©senter entre 2.000 et 3.000 euros de chiffre d’affaires par jour”. Pour l’appli anti gaspi Phenix aussi, le manque Ă  gagner est important. “Normalement, on perçoit 83 centimes sur chacun des 3.000 paniers vendus chaque jour par les commerçants, dĂ©taille son fondateur Jean Moreau. LĂ , cela fait quinze jours qu’on ne prĂ©lĂšve plus rien”. Quant Ă  Cokpit, une plateforme de mise en relation entre jeunes retraitĂ©s dĂ©sireux de valoriser leurs compĂ©tences et TPE-PME devenue gratuite depuis le 20 mars, sa co-fondatrice Camille Maillard (photo ci-dessus) estime son manque Ă  gagner Ă  40.000 euros sur six semaines. “C’est du bĂ©nĂ©volat, sourit cette trentenaire, ex responsable Marketing chez Kronenbourg. Mais on se sent vraiment utiles”.

 

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