On a tous vu ces reportages montrant des poubelles aspergĂ©es dâeau de javel, et on a tous dĂ©testĂ© ça. Il est vrai quâentre la saisonnalitĂ© des produits, les promotions attractives ou encore les alĂ©as climatiques et logistiques, les magasins ont parfois du mal Ă Ă©viter le gaspillage.
Et pourtant, la grande distribution est le secteur de la chaĂźne alimentaire qui gaspille le moins : 14% contre 21% en phase de transformation et 32 % en phase de production selon les chiffres du gaspillage de lâAdeme. Et puis, chez Phenix, on a dĂ©jĂ transformĂ© une vingtaine de supermarchĂ©s en magasins zĂ©ro dĂ©chet alimentaire. Alors, la grande distribution est-elle rĂ©ellement le mauvais Ă©lĂšve du gaspillage ?
Phenix dĂ©mĂȘle le vrai du faux et vous explique pourquoi il y a du gaspillage dans vos supermarchĂ©s. Mais aussi (et surtout) les raisons dâĂȘtre optimiste – car entre changement des mentalitĂ©s, durcissement de la rĂ©glementation et dĂ©veloppement dâun Ă©cosystĂšme anti-gaspi – le secteur bouge !
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Les causes du gaspillage en grande distribution
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Jouer la casse ou jouer la rupture

Longtemps, les invendus, que les initiĂ©s appellent « la casse », ont Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s comme un mal aussi nĂ©cessaire quâinĂ©vitable pour les distributeurs. Ils Ă©taient le produit dâun modĂšle – rentable – celui de magasins composĂ©s de rayons remplis Ă ras bord, Ă toute heure de la journĂ©e. Alors forcĂ©ment, ça fait du surplus !
Cette attitude procĂšde de lâarbitrage entre deux stratĂ©gies : jouer la casse, ou jouer la rupture. La deuxiĂšme option consiste Ă ne pas surcommander et Ă disposer de peu de stock : en gros, on limite le surplus. ProblĂšme : on risque aussi de se retrouver en rupture de stock. Et quâest-ce qui coĂ»te le plus cher entre surplus et rupture de stock ? Bingo (hĂ©las), la rupture.
Pourquoi ? Parce quâun client qui ne trouve pas son fromage prĂ©fĂ©rĂ©, ses cĂ©rĂ©ales du matin ou le soda dont ses enfants raffolent, câest un client qui – frustrĂ© – fuira le magasin. Et perdre un client fidĂšle nâest pas acceptable. Dans ce mĂ©tier on fait tout pour amĂ©liorer lâexpĂ©rience client, alors dĂ©cevoir le consommateur est impensable pour un supermarchĂ©.
Alors les commerces jettent, oui, mais dans quelles proportions ? Si le gaspillage est Ă©conomiquement acceptable pour un magasin, il ne lâest que dans des volumes raisonnables. Aussi pour une grande surface, la casse reprĂ©sente environ 1 Ă 3% du chiffre dâaffaires. On est loin de certains fantasmes.
Toutefois, une bonne gestion de la casse demeure un des leviers majeurs pour amĂ©liorer son chiffre dâaffaires, dâautant plus que le rĂ©sultat net moyen se situe lui aussi autour de la fourchette 1 – 3 %. Les points de vente nâont donc de cesse de la rĂ©duire. Certains alĂ©as, cependant, Ă©chappent Ă leur contrĂŽle.
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La saisonnalité des produits
Comme pour les industriels, la saisonnalitĂ© pĂšse sur les ventes. Les produits saisonniers, ce sont les produits associĂ©s Ă des fĂȘtes comme les chocolats de PĂąques, le foie gras Ă NoĂ«l, les produits vendus pendant le Nouvel An chinois, ou encore les roses Ă la Saint-Valentin. IntensĂ©ment consommĂ©s sur des laps de temps trĂšs courts, ils obligent les magasins Ă constituer dâimportants stocks. Une partie leur restant parfois sur les bras.
En outre, certains produits ont un packaging propre Ă un contexte particulier. Câest le cas par exemple des sodas taguĂ©s Ă lâeffigie dâune Ă©quipe de football Ă lâoccasion de la Coupe du Monde. Une fois lâĂ©vĂ©nement terminĂ© et la frĂ©nĂ©sie retombĂ©e, vendre ces produits sâavĂšre plus compliquĂ©.
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Les innovations produits et les promotions pour attirer le client
Un nouveau produit dans les rayons, câest toujours un pari risquĂ©. Pour rĂ©pondre aux dĂ©sirs de clients sans cesse en quĂȘte de nouveautĂ©s, les grandes surfaces mettent rĂ©guliĂšrement en rayon des innovations. Mais anticiper la demande est un vrai challenge et il arrive quâun produit ne se vende pas aussi bien que prĂ©vu. Les magasins se retrouvent alors avec des invendus. Cela est dâautant plus vrai pour les produits frais qui disposent de peu de jours de dates, et donc peu de temps pour trouver leur clientĂšle.
Il arrive aussi que les magasins surcommandent auprĂšs des fournisseurs pour honorer les promesses attractives des prospectus quâils glissent dans votre boĂźte aux lettres. Afin que vous puissiez bien bĂ©nĂ©ficier de ce lot de 3 produits pour le prix de 2 – dont la promotion est encadrĂ©e par la loi EGalim – votre supermarchĂ© va constituer de gros stocks. Avec le risque, encore une fois, dâen avoir trop.
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Les aléas climatiques et logistiques

Commander des centaines de briques de jus de fruit quand lâĂ©tĂ© est lĂ , voilĂ qui fait sens : la demande des clients devrait absorber lâoffre sans problĂšme. Oui mais voilĂ , une dĂ©pression orageuse inattendue et la fĂȘte est gĂąchĂ©e. Les ventes chutent et les invendus se multiplient. MĂȘme combat pour les grillades. Quand votre barbecue du dimanche est annulĂ©, la viande de votre supermarchĂ© prend souvent la direction de la poubelle. LâalĂ©a logistique câest aussi par exemple un meuble froid qui tombe en panne et rompt donc la chaĂźne du froid.
ParallĂšlement, il peut arriver que des produits soient oubliĂ©s dans la rĂ©serve du magasin. Vous trouvez souvent des promotions dans lâallĂ©e centrale. D’une semaine sur l’autre, les nouvelles bonnes affaires remplacent les anciennes. Mais ce roulement peut entraĂźner des oublis.
Et parce que lâerreur est humaine, des maladresses dans les commandes auprĂšs des fournisseurs peuvent arriver, entraĂźnant des surstocks. Il arrive mĂȘme que le fournisseur aussi se trompe dans les livraisons. Enfin lâerreur, câest aussi le client qui la commet. Par exemple, en reposant un produit dans le mauvais rayon. Et quand câest un produit frais, le laisser en dehors dâune chambre froide sâavĂšre fatal.
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Les chartes fraĂźcheur : ultra-frais sinon poubelle ?

« Câest Ă la fraĂźcheur de ses fruits et lĂ©gumes qu’on reconnaĂźt un bon magasin ». Cette profession de foi est monnaie courante dans la grande distribution. Et pour garantir cela, les supermarchĂ©s sortent chaque jour des rayons les fruits et lĂ©gumes un peu dĂ©fraĂźchis pour, bien souvent, les jeter. Quand on sait qu’autour de 10% des volumes de fruits et lĂ©gumes d’un supermarchĂ© finissent Ă la poubelle par manque de fraĂźcheur, il y a de quoi ĂȘtre Ă©tonnĂ©. Mais cette pratique n’est pas exclusive aux fruits et lĂ©gumes. Elle se rĂ©pĂšte Ă©galement dans quasiment tous les autres rayons : produits frais, produits secs, tous les produits alimentaires sont concernĂ©s ! Et pour ces derniers, les supermarchĂ©s se sont mĂȘme dotĂ©s d’une charte fraĂźcheur.
Cette charte, câest un document par lequel le point de vente sâimpose de retirer des rayons les produits alimentaires quelques jours avant leur date de pĂ©remption. Mais pourquoi cette charte ? Simplement pour que le client ait suffisamment de temps pour consommer les denrĂ©es. Si lâacheteur se voit contraint de consommer le produit le jour-mĂȘme Ă cause dâune DLC trop courte, il pourrait ĂȘtre mĂ©content et se retourner contre lâenseigne. Câest pour Ă©viter ces dĂ©sagrĂ©ments et accroĂźtre la satisfaction client que les grandes surfaces ont gĂ©nĂ©ralisĂ© cette pratique.
ConsĂ©quence, un produit lĂ©galement vendable et tout Ă fait consommable pourra ĂȘtre jetĂ© plusieurs jours avant sa date de pĂ©remption.
Demain des supermarchés sans gaspillage ?
Chez Phenix, on est tenté de répondre oui, pour 3 raisons :
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Les mentalités évoluent

Câest vrai pour le consommateur, toutes les Ă©tudes dâopinion le montrent.
Or les chaĂźnes de la grande distribution ont lâhabitude de suivre les tendances du marchĂ©. Les sondages sont une pratique courante pour anticiper et comprendre les attentes du consommateur. On le voit sur le bio et le local, avec une offre qui grossit Ă mesure que la demande sâintensifie. Lâattrait pour lâachat responsable conduit naturellement les distributeurs Ă se vouloir irrĂ©prochables en matiĂšre dâĂ©cologie. Certains consommateurs se dĂ©tourneront des magasins Ă©pinglĂ©s dans les mĂ©dias pour avoir javellisĂ© de la nourriture.
Câest aussi vrai pour les gĂ©rants des magasins. Comme nous, la nouvelle gĂ©nĂ©ration de distributeurs est souvent plus sensible au coĂ»t Ă©cologique du gaspillage. Quand on sait quâun repas jetĂ© câest 2,5 kg de Co2 Ă©mis inutilement dans lâatmosphĂšre, le seul argument Ă©conomique ne suffit plus. Toutes les grandes enseignes renforcent leurs Ă©quipes RSE pour redonner du sens au mĂ©tier de distributeur et attirer de jeunes talents.
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La réglementation sur le gaspillage se durcit
Ces derniĂšres annĂ©es et particuliĂšrement depuis 2016 et la loi Garot, les obligations se sont multipliĂ©es pour les distributeurs. Tous les supermarchĂ©s de plus de 400 mĂštres carrĂ©s sont dĂ©sormais tenus de sceller une convention avec une association caritative. La javellisation des denrĂ©es encore consommables est dĂ©sormais punie dâune amende de 10 000 euros, soit 3 fois plus cher quâen 2016.
Dans le mĂȘme temps, la taxe gĂ©nĂ©rale sur les activitĂ©s polluantes (TGAP), dont doivent sâacquitter ceux qui gĂ©nĂšrent du gaspillage, nâa cessĂ© dâaugmenter. Cela veut dire que le coĂ»t que reprĂ©sentent les invendus augmente. Les magasins cherchent donc logiquement Ă les rĂ©duire.
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Un Ă©cosystĂšme de l’anti-gaspi s’est constituĂ©

Ces derniĂšres annĂ©es, une nĂ©buleuse dâacteurs de lâanti-gaspi sâest formĂ©e. Des entreprises comme Geev, Les Alchimistes ou encore Moulinot ont vu le jour. Les pratiquent sâamĂ©liorent et les innovations technologiques permettent des gains dâefficience. Les jeunes pousses du secteur attirent de plus en plus de talents en quĂȘte de sens. On voit naĂźtre un vĂ©ritable engouement pour lâanti-gaspi, aussi bien dans les mĂ©dias que chez les professionnels.
Il y a donc fort Ă parier que, le rĂ©seau dâacteurs grandissant, les distributeurs disposent bientĂŽt dâune myriade de solutions Ă des prix compĂ©titifs pour rĂ©duire le gaspillage. Et de trop peu de prĂ©textes pour ne pas le faire !