Depuis 2016, la loi Garot visant à lutter contre le gaspillage a été adoptée en France. Plus question pour les magasins de jeter et de gaspiller, ils doivent à présent donner leurs invendus à des associations. Difficile cependant de s’y retrouver : que peut-on donner ou non aux associations ? Que risque-t-on pénalement en donnant un produit que l’on n’aurait pas dû donner ? Toutes les règles de don alimentaire dans notre guide pour la grande distribution.
La loi Garot pour lutter contre le gaspillage
Dans une démarche écologique et solidaire, le gouvernement s’est fixé l’objectif de réduire de moitié le gaspillage alimentaire d’ici 2025. La loi Garot est le premier d’une longue série de textes législatifs visant à diviser par deux le gaspillage. On vous explique tout.
Depuis 2020 avec la loi AGEC, le non-respect de ces obligations peut entraîner une amende allant jusqu’à 0,1% du chiffre d’affaires du point de vente qui ne respecterait pas la loi Garot. En plus de cette sanction pécuniaire, une “peine complémentaire d’affichage ou de diffusion par voie de presse” est prévue par le texte. Les contrevenants s’exposent donc à un coût réputationnel en se voyant pointés du doigt pour leur mauvais comportement. Le risque encouru est bien sûr de générer une défiance chez leurs clients. Pour de grandes enseignes disposant d’un important parc de magasins, le coût de cette défiance peut vite se révéler plus élevé que la sanction pécuniaire en elle-même, surtout à l’heure des réseaux sociaux. Dès lors, il est dans l’intérêt des enseignes de s’assurer que tous leurs points de vente sont formés aux règles et les appliquent, dans une logique de mise en conformité.
Si détruire des produits alimentaires peut se révéler coûteux, lutter contre le gaspillage alimentaire est créateur de valeur à la fois économique, sociale et environnementale. En effet, en tant que producteur de déchets alimentaires, les points de vente s’acquittent d’une facture déchets dont le montant est proportionnel aux volumes de déchets. Réduire le gaspillage, c’est donc réduire automatiquement le montant de cette facture.
Et ces actions, justement, sont nombreuses : vente des produits en dates courtes à prix mini pour générer un chiffre d’affaires additionnel, don pour l’alimentation animale et, bien sûr, don aux associations. Ce dernier ouvre droit à une réduction d’impôts, sous certaines conditions. En droit français, les dons en nature de produits invendus à des associations caritatives génèrent une réduction d’impôts, sur présentation d’un CERFA délivré par l’organisme réceptionnaire des dons. Ce système d’incitation fiscale a été créé en 1989, soit bien avant la loi Garot. Il poursuit un objectif simple : faire en sorte que le don demeure une option intéressante pour les potentiels donateurs, afin qu’ils ne s’en détournent pas au profit d’autres solutions moins solidaires.
Enfin, si mettre de la javel sur des invendus alimentaires expose les points de vente à une peine d’affichage, la lutte contre le gaspillage entraîne des gains d’image non négligeables. D’abord, parce que le consommateur sera heureux de voir sa fidélité au point de vente récompensée par des promotions régulières sur des produits anti-gaspi. Ensuite, parce que ce même consommateur n’est pas insensible à la vertu que représente pour le magasin l’action de faire don de ses invendus à celles et ceux qui en ont le plus besoin.
Cette logique a même été poussée un peu plus loin le 28 février 2023, lorsque la Secrétaire d’Etat Bérangère Couillard a officialisé, par décret, le lancement d’un label national anti-gaspillage alimentaire pour les acteurs de la grande distribution, les grossistes et les commerçants de bouche. Ce label, dont la création était prévue par la loi AGEC de février 2020. Pour l’obtenir, pratiquer le don aux associations n’est pas obligatoire, mais demeure presque indispensable d’un point de vue mathématique. Cela témoigne d’une volonté forte de la part du gouvernement de favoriser le don comme canal de valorisation des invendus, pour une raison sociale qui n’échappera à personne.
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Pour autant, le don n’est et ne peut pas être la panacée au gaspillage alimentaire. D’une part, il existe une liste de produits alimentaires interdits au don, pour des questions d’hygiène et de sécurité alimentaire. D’autre part, les associations n’ont pas toujours les moyens matériels de collecter et de redistribuer l’intégralité des produits qui peuvent leur être donnés. Des questions de logistiques, de nombre de bénéficiaires ou encore de préférences alimentaires des personnes accueillies entrent en jeu.
Dès lors, la question est de savoir quels produits donner aux associations, et lesquels doivent être valorisés par d’autres canaux.
Quels invendus donner aux associations ?
Quelle différence entre DLC et DDM ?
L’une des règles que doivent respecter les professionnels de l’alimentaire est la date de péremption. Il est donc important de faire la différence entre DLC (Date Limite de Consommation) et DDM (Date de Durabilité Minimale), deux termes distincts.
- Si la DDM (À consommer de préférence avant le …), autrefois appelée DLUO, est dépassée, le produit peut être donné jusqu’à 3 mois après avoir dépassé la date. En revanche, au-delà de 3 mois, le produit ne peut plus être donné.
- Si la DLC (À consommer jusqu’au …) est dépassée, il est strictement interdit de donner ce produit aux associations.
De façon générale, les produits à DLC sont des produits frais, par exemple la viande, le poisson, les produits à manger sur le pouce le midi, les crèmes desserts, etc. Oui mais voilà, il existe de nombreux pièges. Ainsi il n’est pas rare de tomber sur un camembert portant une DDM, tandis que d’autres fromages auront une DLC. Pas facile donc de s’y retrouver, même pour les responsables de rayon qui, bien que professionnels, peuvent se méprendre et jeter des produits frais portant une DDM simplement parce qu’ils ont dépassé la date. La pédagogie sur les dates n’est pas uniquement réservée aux consommateurs : la formation des équipes est tout autant indispensable pour éviter le gaspillage.
Les produits interdits au don
Outre le respect des dates, il existe d’autres interdictions, par exemple les produits figurant sur la liste des produits interdits au don. Le législateur considère que certains produits, pour des raisons de risque sanitaire, ne doivent pas être donnés aux associations. Le législateur considère en ce point que le transport et la distribution des produits par les associations sont des phases porteuses de risque sanitaire et que, pour ces produits, le danger encouru par cette prise de risque est tel qu’il vaut mieux proscrire leur ramasse et leur distribution. Ces produits peuvent toutefois être vendus, dans le respect des dates de péremption précitées.
Parmi les produits interdits au don, on peut citer les abats, les crevettes, les steaks hachés ou encore les produits à base de crème pâtissière. Vous trouverez plus en détail la liste des produits interdits au don selon leur rayon dans notre guide de don alimentaire.
La mise en conformité
Au niveau réglementaire, donner implique aussi la mise en place de certaines formalités administratives.
Il existe une liste de documents obligatoires que le donateur doit être en mesure de fournir aux autorités compétentes en cas de contrôle.
- Ainsi, il est demandé au donateur de mettre en place une convention de partenariat avec la ou les associations réceptrices. Ce document doit être signé par les deux parties, à savoir le professionnel et l’association. Un exemplaire doit être conservé par chacun des signataires.
- Une fois la convention mise en place, le don peut être réalisé régulièrement. À chaque passage de l’association, un bon de sortie devra être signé par le magasin et l’association. Il induit, en droit, un transfert de propriété des denrées au profit de l’association. Par ce document, l’association assume l’entière responsabilité sanitaire. Le magasin est déchargé de sa responsabilité. Concrètement, cela veut par exemple dire que si l’association ne respecte pas les règles sanitaires lors du transport ou de la distribution des produits aux personnes aidées, le supermarché ne pourra pas être tenu pour responsable. Ce document devra figurer pour chaque collecte et indiquer, entre autres, l’identité du donateur et celle du bénéficiaire, ainsi que la date de remise des denrées. Une description physique des denrées données devra également figurer sur ce document administratif. A noter que le législateur autorise la digitalisation de ce document à travers la signature électronique.
De plus, l’association ne s’engage que sur la quantité et la qualité des produits, jamais sur la valeur des produits. Retrouvez en détail tous les documents nécessaires pour le don aux associations dans notre guide de don alimentaire.
Quels avantages fiscaux du don aux associations ?
Tous gagnants
En plus d’être un acte solidaire, le don aux associations donne droit à une réduction fiscale correspondant à 60% du prix d’achat des produits, dans la limite de 0,5% du CA. Cette réduction d’impôts découle de la loi Coluche, entrée dans le code général des Impôts en 1989, et qui a été consolidée par la loi Aillagon en août 2003. Vingt ans plus tard, ce dispositif est toujours en vigueur et a même été copié par d’autres pays comme le Portugal et l’Espagne. Plus d’informations sur le site du gouvernement.
Dans un temps d’inflation, la maîtrise des coûts devient un enjeu crucial dans la gestion d’un point de vente. Or, le gaspillage alimentaire est un coût en constante augmentation depuis plusieurs années, et plus particulièrement depuis 2021 et le début d’un cycle de hausse de la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP), à laquelle les producteurs de déchets sont assujettis.
>>Retrouvez en détail notre article dédié à la TGAP en cliquant ici<<
Donner les produits, c’est transformer une charge, celui des déchets, en un levier économique à travers la réduction d’impôts. Cette réduction vient compenser le travail de tri et d’organisation lié à la gestion des invendus pour le don par les équipes du magasin. Elle rend le don bien plus attractif économiquement que la mise en destruction et est donc synonyme de meilleure performance économique. Dans le même temps, elle consacre le point de vente comme un acteur local de la solidarité et du mieux vivre ensemble, tout en préservant la planète.
Que faire des produits interdits au don ?
Lorsque les produits ne peuvent pas être donnés aux associations pour les raisons susmentionnées, cela ne veut pas dire qu’ils doivent être dirigés vers la benne.
Une bonne démarche anti-gaspi se distingue par la complémentarité des solutions mises en place. De la même manière qu’il est impossible de valoriser 100% des invendus via le don aux associations, il semble tout autant invraisemblable d’imaginer un magasin qui mettrait l’intégralité de ses stocks d’invendus dans un bac dates courtes pour les revendre à prix cassés. Une telle stratégie l’exposerait au risque de cannibaliser ses ventes et, in fine, de créer encore plus d’invendus.
Pour ne pas créer de cercles vicieux, les stocks d’invendus doivent être convenablement répartis entre différentes filières de revalorisation, afin de maximiser l’impact économique, social et environnemental.
A ce titre, il est schématiquement préférable d’opter en premier lieu pour le don et la vente des produits en dates courtes à prix réduits. Pour compléter cette démarche intelligemment, il conviendrait de diriger les stocks qui n’ont pas pu être donnés ou vendus vers l’alimentation animale. Sur la pyramide des flux de valorisation définie dans la loi Garot, c’est bien cette filière qui doit être privilégiée après celle de l’alimentation humaine. La valorisation énergétique, c’est-à-dire la méthanisation, constitue le dernier étage de cette pyramide, qu’elle partage avec le compostage.
Notons que ladite “pyramide Garot” n’est pas contraignante juridiquement, mais simplement indicative des bonnes pratiques à respecter dans le meilleur intérêt de la société. Une chose est sûre : chacune de ces formes de valorisation est préférable à la mise en décharge ou à l’incinération. Chacune est économiquement vertueuse pour le point de vente car elle vient supprimer un coût : celui des déchets. Chacune concourt enfin à orienter le magasin vers le zéro déchet alimentaire et vers l’obtention du label national anti-gaspi qui le certifie.