Chiara, coach anti-gaspi Phenix à Dijon, a pris la plume pour cet article. Elle y décrit comment l’arrivée de l’épidémie en France a bouleversé son métier et les mesures prises pour continuer à faire fonctionner la chaîne de solidarité des magasins aux associations caritatives.

Le 15 mars, après une nuit bien agitée, je me suis levée comme tous les Français avec une sensation étrange. Le début du confinement, annoncé la veille, nous oblige à rester chez nous pour une durée indéterminée. Parmi les mille questions qui rodent dans ma tête (c’est de la science-fiction ? Et mon rdv chez l’ophtalmo ? Et l’apéro de vendredi ?) une seule certitude : je ne pourrai pas me déplacer pour faire mes “suivis magasin”. Il faut que j’appelle mes clients.

Un suivi magasin…  c’est quoi ? 

Dans la vie d’un coach chez Phenix, le suivi magasin c’est aller chez ses clients, une fois par mois minimum, pour s’assurer que les solutions mises en place pour limiter le gaspillage alimentaire soient bien appliquées, en conformité avec la loi Garot contre le gaspillage alimentaire. Nos clients sont les supermarchés qui ont décidé d’être coachés par Phenix dans la lutte contre ce gâchis déconcertant (qui concerne tout le monde, soyons clairs, pas seulement la distribution). Les solutions  que nous préconisons pour nos clients pour réduire les volumes de nourriture qui finissent à la poubelle sont multiples et adaptées à chaque magasin :

La vente en date courte 

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C’est tout simplement le fait de vendre des produits à prix réduit quelques jours avant leur date de péremption, en rayon ou sur notre appli.

Concrètement, vous êtes sûrement déjà tombés sur un frigo avec des produits à-50% en faisant vos courses au supermarché, ou bien vous connaissez les applis anti-gaspi (et la nôtre bien sûr !). Non seulement c’est une bonne affaire, mais surtout on fait un geste responsable en évitant à ces produits d’être jetés.

 

Le don aux associations 

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De plus en plus, les magasins donnent leurs surplus (invendus, fruits et légumes bien mûrs, boites de conserves cabossées…) à des associations d’aide alimentaire. Les bénévoles passent pour collecter les produits plusieurs fois par semaine et les redistribuent dans la foulée.

Cela est moins visible peut-être pour les clients mais on vous assure que, dans les coulisses de votre supermarché, ça bouge : il faut trier les produits, faire attention aux dates, imprimer les papiers pour la traçabilité, accueillir les bénévoles et faire en sorte que l’association parte avec des produits de qualité et tous les papiers qui vont avec.

 

Le don pour les animaux

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De quoi s’agit-il ? Pour ne plus avoir de déchets et devenir un magasin Zéro Déchet Alimentaire, il peut nouer un partenariat avec une ferme, un parc animalier ou un éleveur de cochons, chèvres, sangliers… Une super solution pour sauver des produits non consommables par l’homme : les fruits et légumes trop abîmés, un yaourt périmé ou un produit dont la chaîne du froid a été rompue 1. Là aussi il faut que toute la documentation soit carrée et chez Phenix on s’assure que les règles soient respectées.

Avec ces trois services, les magasins ne jettent presque plus rien, les associations peuvent compter sur un don régulier et règlementé et les animaux se régalent.

Et le rôle de Phenix dans tout ça ? Phenix est toujours là, que ce soit en rayon, dans les poubelles ou derrière les chiffres, nous accompagnons nos clients et veillons à ce qu’il n’y ait pas de nourriture comestible qui parte à la poubelle.

 

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Le jour où tout a basculé – ou quand les associations ont fermé, les supermarchés ont été pris d’assaut, les cochons ont eu peur…

 

Mais que se passe-t-il quand tout s’arrête d’un coup ? Quand un coach anti-gaspi ne peut pas se déplacer ? Quand les associations d’aide alimentaire commencent à fermer ? Et quand les gens se précipitent en grande surface de peur de manquer de pâtes pour le reste de leur vie ?

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Après un jour d’observation et plusieurs réunions de crise, le moment est venu de prendre la situation en main.

 

1 – Il faut sauver le don aux associations

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Oui, parce que si les associations ferment, il va bien falloir assurer l’aide alimentaire aux personnes dans la précarité !

Je commence à recevoir les premiers coups de fils des associations qui annulent les collectes dans les magasins. Mesure nécessaire pour protéger leurs bénévoles. Ça se comprend. Quand on réalise que les fermetures s’enchaînent sur tout le territoire, cela devient critique.

Heureusement, le réseau associatif de Phenix est assez large ; en accord avec nos associations partenaires nous faisons en sorte que les centres encore ouverts assurent les collectes sur plusieurs points de ventes. Si besoin, nous mettons aussi à disposition nos bras et nos véhicules.

 

2 – Ajuster les dons, pour que les associations ne se retrouvent pas en pénurie

Les images qui tournent sur les réseaux parlent d’elles-mêmes mais je veux en avoir le cœur net. Après plusieurs tentatives, j’arrive à joindre au téléphone le directeur de l’un de mes magasins. Il me confirme que les gens ont pris d’assaut son magasin. Ils remplissent leurs caddies comme si on leur avait annoncé une pénurie sans retour.

 

Est-ce qu’il restera, dans les jours à venir, des invendus pour le don aux associations ou va-t-il falloir tout suspendre ? On me rassure : le don continue, mais les types de produits donnés vont surement changer. Pour les associations, il y aura surtout des sandwichs, des plats préparés et des produits frais car ils se vendent moins en ce moment. Les produits qui cartonnent, en revanche : pâtes, riz, conserves, farine. (Le mystère de la ruée sur le papier toilette reste entier)

Bon… Dans la situation actuelle, les associations ne pourront malheureusement pas se permettre de faire la fine bouche. J’ai bon espoir que l’on puisse compléter ces dons grâce aux industriels, à qui il va rester des produits sur les bras suite à l’annulation d’un bon nombre de commandes.

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Il faudra aussi revoir les plannings des collectes car les magasins sont obligés de changer les horaires et faire travailler les salariés le soir (parfois la nuit) pour assurer le réapprovisionnement des rayons.

Les magasins se réorganisent. Phenix reste sur le front.

3 – Ne pas abandonner les éleveurs d’animaux

L’aide alimentaire ne doit pas s’arrêter, mais les animaux aussi doivent continuer de manger ! Surtout quand on réalise que certains élevages existent et continuent d’exister grâce aux produits donnés par les supermarchés.

Dans un premier temps, nous fournissons aux éleveurs qui en auraient besoin toute la documentation nécessaire pour qu’ils puissent circuler dans le respect des restrictions en vigueur et essayons d’assurer la continuité du don. Les cochons disent merci. Les chèvres aussi.

 

4 – Anticiper l’après

Vers la moitié de la première semaine de confinement, la quasi-totalité des ‘urgences’ a été traitée. Nous restons à disposition de nos clients et des associations, mais essayons en parallèle d’anticiper les jours à venir ; les réunions à distance se multiplient chez Phenix.

Est-ce qu’il y aura un retour au calme en Grandes Surfaces ? Est-ce que les livraisons subiront des retards ? Les associations vont-elles rouvrir petit à petit leurs portes ? Quoi qu’il en soit, nous savons pertinemment qu’il y aura des stocks à écouler. Nous devons continuer d’œuvrer pour que les personnes dans la précarité puissent bénéficier de l’aide alimentaire dans les temps et les conditions les plus adaptées.

On mesure aussi le moral de tous les Phéniciens, on partage les doutes, les idées et les solutions mises en place dans chaque région où Phenix se trouve.

 

5 – Restons mobilisés !

Vers la fin de la semaine, je reprends le téléphone pour faire un point avec mes clients ; comment allez-vous ? Vos équipes ? Sont-elles épuisées ?

On me répond que ça va, que le chiffre d’affaires a atteint un niveau hors norme pour la période mais qu’on s’inquiète pour la suite (baisse d’activité ? Comment gérer les éventuels surstocks ?)

Les salariés tiennent le coup malgré la fatigue et la peur. On se tiendra au courant les jours à venir mais on est contents d’arriver ensemble à garantir la continuité des services. Un dernier échange sur la gravité du moment ; on essaie de rigoler aussi, d’exorciser la peur. Le sujet du papier toilette revient souvent.

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Une caissière m’a dit l’autre jour que les gants lui sèchent les mains et qu’elle a hâte que la barrière en plexiglass qui la sépare des ses clients soit enlevée. Elle en a marre aussi d’avoir peur mais elle reste.

Oui. On a tous hâte d’un retour à la normale mais on nous a annoncé encore plusieurs semaines de confinement. De quoi avoir le temps de réfléchir au monde qu’on a bâti et à tout ce qu’il faut améliorer encore.

Phenix reste mobilisé, convaincu qu’on peut toujours faire plus, et que rien n’est perdu !

 

 La rupture de la chaîne du froid, c’est quand par exemple Jean-Pierre fait ses courses, prend des yaourts, mais au rayon pâtes il change abruptement d’avis, il n’en veut plus. Pour ne pas retourner au rayon yaourts, il laisse les pots de yaourts à côté des spaghettis, sans se faire trop remarquer. Voilà ce que c’est. Le produit n’est plus vendable. Tu l’as fait toi aussi une fois, avoue-le.

 

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