Pénuries dans les rayons, hausse des achats en ligne, files d’attentes devant les magasins… La crise sanitaire du Covid-19 chamboule nos vies et nos manières de consommer. Comment ces changements se répercutent-ils sur la solidarité alimentaire et le don des invendus de la Grande Distribution aux associations ?
Lentement mais sûrement, la crise sanitaire se double d’une crise alimentaire.
La grande distribution toujours en première ligne dans le don des invendus
Chez Phenix, nous avons mené une étude sur plus de 150 grandes surfaces alimentaires partout en France. Notre conclusion ? Entre le 16 mars et le 19 avril, 75% des magasins qui pratiquaient déjà le don solidaire de leurs invendus ne l’ont pas dépriorisé et ont continué à y consacrer du temps et de l’énergie, effort qui est à souligner. Mais alors que dans l’Ouest et le Nord, 90% des magasins maintiennent leurs actions anti-gaspi et solidaires, la région Grand Est, durement touchée par l’épidémie, affiche un inquiétant ratio de 50%. Une corrélation entre l’intensité de l’épidémie et la pratique du don semble se dessiner. En effet, point notable de cette enquête, les magasins situés dans les régions les plus touchées par la pandémie ont nettement diminué leurs dons aux associations. En résulte une fracture alimentaire.
Pourquoi certains magasins ont-ils arrêté de donner leurs invendus aux associations ?
Pour rappel, la loi Garot relative au gaspillage alimentaire oblige les magasins d’une surface de plus de 400 m² à signer un partenariat avec au moins une association pour lui donner ses invendus alimentaires. Cependant, en temps de crise, trois raisons expliquent que certains magasins interrompent le don aux associations :
- Les équipes doivent déprioriser le don des invendus à cause du manque de personnel. Plusieurs enquêtes révélaient que 30% des salariés du secteur étaient soit en arrêt-maladie, soit absent pour motifs familiaux type garde d’enfants, soit par crainte de contamination
- Des volumes d’invendus très faibles : la ruée dans les supermarchés a provoqué de nombreuses ruptures en rayon et donc moins de produits à retirer des rayons pour le don
- La fermeture des associations qui passaient habituellement récupérer les invendus. Dans ce cas, les équipes Phenix se mobilisent pour réorganiser les plannings de passage d’associations en remplaçant temporairement les associations fermées, voire même en effectuant elles-mêmes des collectes «de secours» pour les associations qui ne peuvent plus se déplacer.
Quel impact sur les quantités données ?
Au global, on constate une baisse des quantités données de l’ordre de 6% depuis le confinement, mais la lecture n’est pas la même selon les circuits de distribution. Si les quantités d’invendus données baissent de 21% dans les supermarchés et de 65% dans les Drive, pris d’assaut depuis le début du confinement, les hypermarchés échappent à cette tendance. En effet, on observe une hausse des quantités données par les hypermarchés : +17% entre le 16 mars et le 19 avril. Les industriels, eux, sont confrontés à des annulations de commande massives et cherchent des solutions pour se prémunir du gaspillage alimentaire, comme Michel et Augustin qui a donné et revendu ses surplus sur l’application anti-gaspi Phenix
Lire l’analyse de Je Bosse en Grande Distribution
Pendant ce temps, la fréquentation des associations explose, les files d’attente s’allongent… et les associations s’adaptent
Du côté des associations, qui dépendent fortement de bénévoles seniors engagés, les distributions alimentaires se sont brusquement arrêtées après les annonces du gouvernement. Un chiffre ? Chez nos partenaires des Restos du Cœur, les plus de 70 ans représentent 30 % des bénévoles. Parce qu’elles sont les personnes les plus vulnérables face à l’épidémie et parce qu’elles n’ont souvent pas reçu de masques et de gel hydroalcoolique, le nombre de bénévoles a drastiquement baissé.
Après de nombreuses fermetures d’associations, on constate progressivement des réouvertures aux quatre coins du pays. Avec la mise en place de nouvelles procédures de distribution pour assurer le respect des règles sanitaires : distribution de colis préparés à l’avance, voire même dans certains cas livraison des colis à domicile. Les associations ont su rebondir et maintenir leur rôle central dans la société.